15 Mai 2021 - Ecrit par Emmanuel Bourgoin

FRERES DE SAVORIUR - CREATION :

Retranscription complétée de l’entretien du 27 mars 2021 d’Emmanuel BOURGOIN par Camille CHUQUET

à la Médiathèque Aragon. ( Part 2 )

J’aime bien dire que le temps est un imposteur tenant pourtant toujours ses promesses. Il nous leurre en nous perdant dans la minutie des secondes alors que le sablier découle un par un les grains de l’éternité.


Depuis combien de temps suis-je là, sur cette chaise à répondre aux questions tout en vous partageant mon univers d’écriture ?


Je n’en sais rien, et je dois bien vous avouer que pendant l’interview, pas une seule fois, je m’étais posé la question.


Cependant, tout autour de moi la vie continue.


Avec un peu d’imagination, j’aurais pu deviner tous les bibliothécaires, et autres agents de cette médiathèque, s’affairer comme des marins sur le pont d’un bateau. Souvenez- vous, en introduction de la première partie de ce Made In, j’avais annoncé que cet établissement me faisait penser à une proue de navire. Rien de plus facile alors d’imaginer ce bâtiment lâcher les amarres, entrer en Seine (la médiathèque repose juste sur les berges de la Seine, dont le jeu de mots... narf) pour fendre les vagues d’encre où les phrases batifolent tels des bancs de poissons sauvages. Matelots expérimentés, les bibliothécaires libèrent alors les voiles des vergues, laissant le vent des idées gonfler cette passion d’apprendre, de partager, d’être libre !


Combien de naufragés furent, grâce à eux, ainsi sauvés du chant des sirènes ? Combien purent abandonner les planches insalubres du radeau de la méduse pour se retrouver accueillis en ce lieu de culture ?


Une multitude, j’en suis certain.


De tout cela, à cet instant même, je n’en avais pas réellement conscience. Évidemment, dans cette grande salle désertée, à cause de la Covid, où je me tenais face à la caméra de cet ordinateur, je voyageais en votre compagnie.


Le temps, vous dis-je, m’avait totalement hissé hors de la réalité et de mon côté, je vous proposais une odyssée sur les flots de mes pensées accostant sur les berges de la création de mon roman « Frères de Savoriur ». Sextant dirigé vers les étoiles, Camille Chuquet (l’intervieweuse) positionnait professionnellement le navire sur le cap à tenir en me posant les questions que voilà...


Voici donc la suite et fin de cet entretien.

Bonne découverte à tous.


Nous sommes donc toujours le 27 mars 2020, bien après 15heures. Camille CHUQUET interroge :


Pouvez-vous expliciter le concept de maison de l’être, qui constitue peut-être la pierre angulaire de votre roman ? Est-ce une façon de dire que la vérité est intérieure et que le monde se trouve bel et bien dans l’œil de celui qui regarde ?


Emmanuel BOURGOIN:


Il est vrai, la Maison de l’Être est très importante dans le roman, mais aussi dans le monde de Milia Facia. Nous allons retrouver ce concept de la Maison de l’Être tout le long des aventures qui se dérouleront dans cet univers.

C’est pourquoi, je ne peux en dire trop afin de ne pas spoiler certaines futures surprises. Toutefois, nous savons dans « Frères de Savoriur » que la Maison de l’Être est un lieu d’introspection qui appartient à chaque personne.

Tentons une expérience de frôler cette « Maison de l’Être ». (Sans faire toutefois comme le personnage d’Aësmi qui tente quelquefois d’y accéder par des substances peu recommandables... :))

Imaginez un peu, essayez de vous projeter dans un lieu où vous vous sentez serein, en quiétude. Cet endroit intérieur peut représenter ce que vous voulez, c’est à vous de choisir. Il peut être totalement imaginaire ou être un fragment de vos souvenirs. Mais ce lieu est bien à vous, car c’est ici que vous allez faire face à vos émotions, à vos pensées. Ici où vous les acceptez tels qu’ils sont, tel que vous êtes réellement, tout simplement.

Pas évident. C’est déjà un sacré chemin, non ?

Dans la question précédente, nous parlions de la quête du héros en déclarant qu’elle était autant extérieure comme intérieure. Il est évident que la Maison de l’Être est l’une de ces quêtes ! Elle est certes difficile, mais elle apportera aux personnages de mes romans des capacités insoupçonnées ! D’ailleurs, n’est-ce pas une des plus grandes aventures à vivre que de se connaitre soi-même ? D’accepter ce qui va advenir et ce que l’on va devenir ?

C’est en partie dans cette Maison de l’Être que le héros va se rencontrer. Rencontrer sa personnalité en mutation et les facultés qui vont pouvoir manipuler.

Oui, la vérité du héros est intérieure. Que cela change-t-il ? Pour lui, s’il arrive au bout de ce voyage... beaucoup de choses. Pour ceux qui l’entourent, cela est une autre question... et cela sera l’un des points importants de l’histoire de Milia Facia. Mais revenons à « Frères de Savoriur ». La quête de la Maison de l’Être est encore à ses balbutiements. On suppose qu’elle est là, qu’elle sert à quelque chose. Elle est une idée, des indices sur des bouts de papier, une certaine obsession pour un personnage et même l’hypothèse avérée ou non qu’elle serait la source de la magie.

On pourrait même prendre cette Maison de l’Être d’un point de vue scientifique comme le centre des possibilités du cerveau que nous n’utilisons pas.

Que de questionnements ? De toute façon, nous sommes dans un monde de Fantasy, et croyez-moi, la Maison de l’Être réserve bien des surprises.


Camille CHUQUET:


Frères de Savoriur porte une attention toute particulière à la connaissance. Aësmi est professeur à l’université de Savoriur où se rencontrent toutes les disciplines et toutes les cultures du continent. Mais derrière ce temple de la connaissance, se trouvent en réalité des savoirs très normés et des enseignants dominants qui fabriquent des élèves conformes. Aësmi va essayer de renverser tout cela. Par ailleurs, la question se pose de savoir si le dogme des contrées obscures de Mellor-an doit être étudié à l’université pour mieux le combattre. Votre roman est-il une ode à l’émancipation par la connaissance et au développement de l’esprit critique ?



Emmanuel BOURGOIN:


Avant toute chose, je souhaite m’attarder sur deux mots de votre question qui résonne en ma personne.

Ode, ce poème lyrique destiné à être accompagné de musique. Tout message devrait être accompagné de musique. Il devrait nous prendre aux tripes, nous faire rêver ou bien nous révolter... en tout cas, nous faire réfléchir.

Émancipation, là encore un mot à la puissance phénoménale. L’émancipation, c’est s’affranchir d’une autorité, d’une servitude ou de préjugés.

Ces mots sont la base même du roman.

« Frères de Savoriur », tout roman de fantasy qu’il soit (avec ses codes liés à la quête des héros, entre autres) a été écrit en calquant nos pensées contemporaines, donnant à ce roman, et au monde de Milia Facia, une approche que je trouve très intéressante. Une question que je me pose aujourd’hui alors que nous sommes submergés d’informations (fiables ou non fiables) est :

Sommes-nous ignorants ?

Ignorant de ne pas avoir appris à critiquer (dans le bon sens du terme : c’est à dire : savons-nous analyser ? Qu’est-ce ce qui permet aujourd’hui à tous ces élèves, qui sont sur les bancs de nos écoles, d’avoir un esprit critique ?)

Je me souviens d’un cours en faculté, en troisième ou quatrième année d’histoire, un professeur annonça :« Maintenant, que vous avez appris l’Histoire, nous allons vous apprendre à désapprendre afin de ne plus voir l’Histoire, mais que vous puissiez découvrir des Histoires. »

Cette phrase m’a bouleversée.

Et c’est une partie de ce raisonnement que j’ai souhaité retranscrire dans les idées d’Aësmi. La connaissance telle qu’elle est professée à Savoriur, avec les meilleurs bons sentiments d’équité et d’ouverture ne pourra que rester stérile si les étudiants n’apprennent pas à réfléchir par eux-mêmes avec les connaissances adéquates.

Aësmi annonce, quelque part, que même si un peuple est instruit, que s’il ingère les connaissances comme un oiseau à la becquée, ce peuple sera alors peut-être cultivé, mais ne sera que faire de ces connaissances laissant un vide là où la réflexion devrait être. Et il n’y a rien de plus terrible qu’un vide dans la pensée. Haanah Arendt disait :

« C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal ».

Et pour ceux qui ont lu « Frères de Savoriur », vous avez remarqué que l’obscurantisme, sournois et menteur, promulgué par les dogmes cachés de Mellor-an tente de s’insinuer dans la société de Savoriur afin de sectionner l’idée même de critiquer.

Alors oui, Aësmi enseigne à ces élèves que c’est à travers l’émancipation par la connaissance des grands événements de l’histoire, du savoir et de la fréquentation des textes littéraires que se forge une communauté de personnes critiques que l’on devrait appeler aujourd’hui, dans notre propre société, des citoyens.

Par la réflexion, Aësmi ne souhaite pas une rupture avec le système de Savoriur, qui a des bases solides, mais désire plutôt fertiliser l’évolution des pensées.


Camille CHUQUET:


Frères de Savoriur aborde aussi la question du temps cyclique, la figure du cercle est d’ailleurs omniprésente dans votre texte. C’est bien lui qui ravage progressivement les terres de Milia Facia, avortant à chaque tour un peu plus son histoire. Pourtant c’est un livre, le livre des rois qui contient le secret de cette malédiction, et c’est un écrivain qui s’attelle à sauver le monde. La fiction est-elle un moyen privilégié pour échapper au temps et au réel qui peut toujours être défait, là où les histoires résistent ?


Emmanuel BOURGOIN:


Le temps est une grande question pour moi, car comme Milia Facia, il se constitue d’une multitude de facettes.

Je ne suis pas obsédé de ce temps qui passe même si je commence à perdre mes cheveux et à prendre des rides (maintenant, je ne dirais peut-être plus la même chose dans quelques années).

Le temps m’intrigue, déjà de par sa chronologie.

D’avoir étudié l’Histoire, on se retrouve en apnée dans ce temps qu’est une fabrication de l’homme, car comme nous le savons, et comme nous l’explique très bien l’historien Patrick Boucheron dans ses documentaires nommés « l’histoire fait date », il y a plusieurs façons de compter le temps.

Et c’est sans parler de ce temps impalpable, cyclique, que l’on peut dire naturel, astronomique, ou même ce temps de nos perceptions, ce long, ce court...

Le temps est subjectif. Regardez le monde de Tolkien. Avant l’apparition du soleil et de la lune, le temps ne s’écoulait pas de la même façon qu’il se déroule dans le Seigneur des Anneaux.

Maintenant, devons-nous vouloir échapper au temps ? Et, pour reprendre le fil de votre question, la fiction y échappe-t-elle ?

Échapper au temps pour les Hommes est surement impossible (enfin pour l’instant). Sans le temps, nous ne pourrions être ces héros qui partent en quête, évoluant en apprenant de son passé pour regarder un avenir aux changements profitables. Nous pouvons dire sans grande hésitation que l’humain est ancré dans le temps.

Si nous suivons la même logique, on peut aussi annoncer que la fiction est aussi soumise au temps. Créée elle-même par des auteurs venant d’un monde dit contemporain, elle se marque du style, des pensées, de la connaissance, de la narration, et des problématiques dites contemporaines à l’ouvrage.

Revenons sur l’œuvre de Tolkien. Nous trouvons dans le Seigneur des Anneaux un écho de ce que l’écrivain avait vécu lors de la Première Guerre mondiale. L’œuvre est marquée par le temps.

Elle est encore plus marquée par le temps par le biais des lecteurs. En effet, quand on lisait Zola au 19e, on ne l’abordait pas de la même façon qu’aujourd’hui. Le temps a changé le regard des lecteurs et donc, a eu une action sur l’œuvre, sur la fiction qu’elle proposait.

Le temps a donc bien une incidence sur la fiction. D’ailleurs, c’est peut-être pour cette raison que le personnage d’Aësmi dans « Frères de Savoriur », qui est lui aussi un auteur, cherche des réponses en écrivant des fictions afin de répondre au réel.


D’un autre côté, je vous définissais tout à l’heure le mot « émancipation. »

Il est intéressant de noter que les fictions arrivent à s’émanciper du temps par le biais de nos émotions. Que cela soit l’année, le siècle, le genre, la classe sociale, quand une œuvre percute nos sens, quand elle nous infuse des sentiments, elle chasse de l’espace le temps qui gravite autour d’elle. Nous ne sommes plus qu’un avec elle dans une sorte de bulle intemporelle. C’est ainsi que des livres, films, tableaux, poèmes... nous parlent à travers les générations (à travers le temps) comme s’ils venaient de naitre, comme s’ils venaient d’éclore juste pour nous.


Pour conclure, le paradoxe est flagrant entre soumission au temps et intemporalité de la fiction. Nous savons que la fiction nous accompagne dans notre traversée du temps au point d’être vue par certains comme une source de l’immortalité. Je pencherai plus pour annoncer qu’elle nous ouvre les portes de l’éternité, ayant été, elle nous fait existé éternellement.


Camille CHUQUET:


D’après Tolkien, lire de la Fantasy permet de mieux se comprendre, en opérant un détour par la fiction et le symbole. Il s’agit de déceler un peu de sa réalité dans la création de mondes inventés. Qu’en pensez-vous ?



Emmanuel BOURGOIN:


Qui suis-je pour contredire JRR Tolkien ?

(rires).

D’un autre côté, je parlais tout à l’heure d’Aësmi et du sens critique et je sens mon personnage me faire une pichenette dans le cou si je m’arrête à cette réponse.

Alors oui, je confirme, je rejoins Tolkien dans cette constatation.

Comme je l’ai un peu expliqué précédemment, la réalité de nos sociétés comme notre propre réalité sont forcément le ciment des mondes de Fantasy.

Quelque part, la Fantasy raconte notre monde (nos mythes, nos religions, nos légendes...) avec des symboles différents, un langage différent, mais qui reste notre monde avec ses tares et ses belles choses.

Je m’explique :

Quand vous lisez qu’un demi-elfe est rejeté par les humains et par les elfes, du fait qu’il est un sang mêlé, c’est malheureusement quelque chose qui existe dans notre monde.

Alors il n’y a pas de demi-elfe dans notre quotidien (pas à ce que je sache du moins), mais cette problématique est malheureusement que trop connue, pas besoin de vous faire un dessin sur le sujet, il suffit de regarder notre histoire et comment nous accueillons ceux qui sont différents de nous.

Autre exemple, quand vous lisez « Games of Thrones », les affres de la politique de Westeros ressemblent étrangement à « House of Guard » (pour ne pas citer nos politiciens). Bon, sans les dragons et quelques autres détails... quoi que... mais quand même.

Et pour faire référence à « Frères de Savoriur », les questions posées lors du Conseil de la reine sont des interrogations que nous pouvons aujourd’hui (et hier) nous poser face aux extrêmes politiques qui peuvent mettre en cause la démocratie.


Alors oui, la Fantasy dresse face à nous un miroir qui nous reflète nos propres réalités et par conséquent nous permet de prendre un certain recul pour mieux se comprendre.


Camille CHUQUET:


C’est en train de changer, mais on a parfois reproché aux auteurs d’Heroic Fantasy de survaloriser les personnages masculins et d’enfermer les personnages féminins dans des rôles traditionnels et limités. Avez-vous souhaité aller à l’encontre des stéréotypes, déconstruire les identités de genre, et créer un univers plus inclusif (je pense notamment à votre université, cette Babel des langues et des savoirs) ?



Emmanuel BOURGOIN:


Cela est certain, les couvertures du magazine Pulp américain Weird Tales qui publiait, entre autres, les nouvelles de Conan le barbare n’ont pas aidé à l’affaire. (Notez que je parle des couvertures et non pas des nouvelles de Conan en soi).

Maintenant, même si cela est largement discutable et aujourd’hui peu excusable, n’oublions pas que nous étions dans les années 1930 et qu’il est contentieux de « contemporiser » l’Histoire, ce qui nous empêche de l’analyser avec recul.

Toutefois, il est vrai, la Fantasy a beaucoup trainé l’image peu agréable qui est citée dans votre question. À juste titre d’ailleurs, mais il est aussi notable d’affirmer que ce changement d’image n’est pas si récent que nous pouvons le croire.

Pour cela, allons (ou retournons) chez Tolkien. Je ne vais pas parler de Galadriel (qui a un côté trop mystique), mais arrêter un instant ma réflexion sur Eowyn. Ce personnage fait très vite comprendre aux lecteurs qu’elle est tout à fait capable de faire comme les hommes, c’est-à-dire se battre. L’idée n’est pas amenée dans le récit de Tolkien comme un fait extraordinaire, mais une évidence. Une évidence qui, évidemment, perturbe quelque peu les protagonistes masculins du roman, mais qui débouche sur la victoire d’Eowin alors qu’elle arrive à vaincre un Nazgull, là où les hommes échouaient.

Notons que le « Seigneur des Anneaux » est paru en 1954.

En 1982, chez David Eddings, dans le chant de la Belgariade, j’ai trouvé des personnages féminins très forts même si on pouvait encore se dire qu’elles détenaient le second rôle, d’ailleurs Eddings coécrivait avec sa femme, ce qui donnait à ses ouvrages un ton bien particulier.

Ces deux auteurs, entre autres, combinés à l’éducation que j’ai pu recevoir, et les valeurs en lesquelles je crois m’ont effectivement amené à réfléchir sur le traitement de mes personnages.

Votre expression « déconstruire les identités des genres » me parle assez et de faire un univers inclusif est une réelle volonté. C’est pour cette raison qu’il était important pour moi de commencer les présentations de Milia Facia par Savoriur. À Savoriur, la différence (hommes/femmes/habitants de telles ou telles nations ou régions, croyance, etc...) est tellement acceptée qu’elle ne voit plus, ou plutôt, qu’elle est reconnue comme faisant partie d’un tout. D’ailleurs, la rapide discussion qu’Aësmi tient avec son frère au début du sixième chapitre, en demandant à ce dernier comment nommer des Hommes- Liges lorsque la fonction était tenue par des femmes est sans équivoque. D’ailleurs, la réponse vient naturellement de l’interrogateur même : « Bah des Femmes-Liges » et son frère appuis cette évidence en disant « évidemment ».

En clair, la question n’avait même pas lieu d’être.

Cette forme d’utopie (car dans la réalité, nous en sommes encore loin) me permet de poser les bases d’une fantasy plus moderne dont l’individu dépassera le genre. Partant de cette base qui dans le collectif devient la norme, il me sera un peu plus aisé de confronter cette idée à d’autres réflexions et à d’autres cultures.

Je vous promets là de belles surprises !


Camille CHUQUET:


Vous évoquez souvent l’importance de la musique dans votre processus créatif. Comment stimule-t-elle votre écriture ?



Emmanuel BOURGOIN:


Effectivement, j’écris en écoutant de la musique et particulièrement des Bandes originales de films.

J’aime les ensembles symphoniques et les compositions d’auteur comme John Williams, Hanz Zimmer, James Horner..

Ce sont des musiques que j’arrive à détacher de l’œuvre originale (qu’est le film) pour les appréhender comme une entité propre. Elles me font rêver de par leur technicité et tout simplement par leurs mélodies.

Quand je les écoute, il m’arrive quelquefois d’avoir un déclic. Je me dis alors que ce morceau irait parfaitement sur telle ou telle scène pour son rythme, son thème, son émotion... Les chapitres étant encore en gestation, l’apport de la musique me permet de donner encore plus d’ampleur à ce que je veux transmettre.


Quand j’écris, mon esprit est ailleurs, mais mon corps est bien présent, bien vivant. J’ai besoin de ressentir certains de mes sens quand je produis une histoire. Le toucher, avec le clavier ou le crayon. L’ouï, avec la musique. La vue, avec ses fantomatiques mouvements de caméra qui bougent entre les mots.


Afin de partager mon approche sur l’écriture, la création et toute la technicité que cela apporte, mais aussi de traiter des sujets comme la musique beaucoup plus en détail, je ne peux que vous inviter à consulter le « Made In » consacré à ce thème et plus particulièrement aux musiques que j’ai écouté pour « Frères de Savoriur » dont voici le nom des films qui y sont rattachés : King Arthur, Alien Convenant, Wonder Woman, Man of Steel, les Saisons; ou encore le best of sur Jerry Goldsmith sur ses 40 ans de carrière et la musique d’un documentaire sur Steve Mac Queen.

Camille CHUQUET:


Vous venez de publier votre deuxième livre, Facettes et Luminen, qui développe certaines croyances et coutumes de votre univers. Pouvez-vous nous en dire plus ?



Emmanuel BOURGOIN:


Tout d’abord, ce second livre est une incursion dans le monde de Milia Facia différente de « Frères de Savoriur » de par sa teneur, mais aussi son format. En effet, comme je l’explique en détail dans la postface de « Facettes et Luminen », j’ai souhaité ajouter des « compléments » à l’arc narratif principal. Donc « Facettes et Luminen » n’est pas un roman qui fait suite directement à « Frères de Savoriur », mais un recueil de deux nouvelles qui tourne autour du roman principal. La lectrice ou le lecteur ne sont pas dans l’obligation de connaitre « Frères de Savoriur » pour comprendre apprécier « Facettes et Luminen ». C’est d’ailleurs aussi une porte ouverte à cet univers.

Cependant, ceux qui ont déjà mis un pied sur Milia Facia vont découvrir de nouveaux aspects qui vont renforcer ce qu’ils savent déjà de ce monde et ouvrir de nouveaux accès comme les fêtes de fin d’années célébrées sur cet univers. Faire vivre un univers, c’est lui amener l’essence de ce qui nous constitue en tant que sociétés humaines : notre culture, nos traditions, nos mœurs, nos évolutions..

Comme je l’ai expliqué, Milia Facia est un monde aux multiples facettes. C’est un peu comme nos contes et légendes que nous croyons pourtant si figés. Dans l’avant-propos du recueil, je cite les différentes origines des fêtes de fin d’années de notre propre monde. Je trouve très intéressant de voir qu’il n’y a pas qu’une seule fête de Noël et que tous les symboles qui nous entourent sont avec nous depuis des siècles dans des cultures assez éloignées pour certaines.

Encore une fois, la Fantasy est comme le miroir de notre monde. Une multitude de symboles qui évolue avec le temps.

« Facettes et Luminen » va donc vous proposer des aventures lors de ces fêtes de fin d’année et vous allez pouvoir vous immerger dans des villes comme la Cité Maritime ou Savoriur en compagnie des personnages connus ou à découvrir.


Pour la petite histoire, je n’avais pas du tout imaginé créer des livres dits satellites à l’arc narratif principal pour le monde de Milia Facia. L’idée m’était venue en travaillant sur un roman se situant dans un autre univers littéraire sur lequel je souhaitais entamer cette approche. En parlant de cette idée à l’illustrateur de « Frères de Savoriur », ce dernier m’indiqua que cette idée pouvait très bien s’adapter au monde de Milia Facia, ayant déjà pour ma part écrit quelques nouvelles ou ébauches.

Résultat de cette discussion : une nuit blanche et par la suite, la mise en place de l’écriture de Facettes et Luminen.


Si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à lire l’avant-propos et la postface de ce recueil.


Camille CHUQUET:


Frères de Savoriur se termine de manière bien mystérieuse, êtes-vous en train de travailler à la suite ?



Emmanuel BOURGOIN:


La fin de Frères de Savoriur est une ouverture. L’histoire se clôture, mais le lecteur y décèle un soupçon du fil rouge qui s’étend au-delà du récit des deux frères. Il comprend que cette histoire fait partie d’un ensemble plus vaste et qui sera, morceau par morceau, dévoilé dans des histoires, à chaque fois qui se termine et qui auront leurs propres personnalités.

Comme vous l’avez compris, je trouve intéressant de travailler dans cet univers une certaine approche de la diversité et faire percuter ces différences entre elles. Quelles en seront les résultantes ? Un Big Bang ? Une adaptation ? Il est même probable que ma narration pourra varier selon les histoires (on s’en aperçoit déjà dans l’une des nouvelles proposées dans Facettes et Luminen).

Enfin, tout cela pour vous dire, oui... je travaille aussi sur un nouveau roman de cet univers. Vous y retrouverez le fil rouge dont je viens de vous parler tout en vous attardant sur un groupe de personnages aux origines diverses. Mais chut... pour en savoir plus, il faudra lire ce prochain roman. :)


Sur cette dernière réponse, Camille Chuquet clôture alors l’entretien. L’écran de la vidéo redevient noir. Je souffle, content d’avoir partagé ce moment avec vous. Autour de moi, le temps me démontre qu’il n’a pas arrêté de s’écouler.

J’entends une mouette railler, un automobiliste passer dans la rue bordant la médiathèque, et j’imagine encore et toujours la vie s’épanouir dans les étages plus bas où les rangs des livres, des bandes dessinées et des CD proposent aux visiteurs de découvrir leurs univers.

Quelle heure est-il ? Je n’en sais rien et cela est le cadet de mes pensées.

J’espère que cet échange vous a apporté des informations. En tout cas, je vous confirme que cet exercice fut pour moi un moment très agréable et qu’il serait agréable à renouveler pour mes prochains ouvrages.

Je remercie encore Yamina Boulet (directrice de la médiathèque) pour son accueil et pour la visite guidée de son incroyable lieu de travail. Candice Continant pour son accompagnement lors de l’entretien. Valérie Millet pour avoir introduit « Frères de Savoriur » en ces lieux, le technicien (dont malheureusement le nom m’échappe) qui a géré la régie lors de la vidéo et évidemment Camille Chuquet pour ses échanges, son engagement et la sérieuse préparation de cet entretien.


N’hésitez pas à regarder la vidéo de l’entretien que vous pouvez retrouver sur ma chaine You Tube. Il est toujours intéressant d’avoir plusieurs approches d’un même sujet, n’est- il pas ?


Une dernière chose... Pour ceux qui souhaitent lire « Frères de Savoriur », vous pouvez retrouver ce roman sur diverses plateformes internet en commande brochée ou numérique. Il est disponible aussi à la Fnac, en commande dans les librairies indépendantes, et nouveauté depuis mars 2021, vous pouvez aussi l’emprunter à la Médiathèque de Choisy-le-Roi.

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